vendredi 19 février 2016


Ousmane Sow inaugure sa statue de

Toussaint-Louverture à la Rochelle

 
 

 

Une statue à la mémoire de l'ancien esclave devenu gouverneur d'Haïti, Toussaint-Louverture (1743-1803), révolutionnaire et indépendantiste, a été dévoilée à La Rochelle, en présence de l'artiste, le sculpteur sénégalais Ousmane Sow. L'oeuvre en bronze, haute de 2,80 m et pesant 683 kg, représente ce pionnier de l'abolitionnisme de l'esclavage en costume de gouverneur de la République française de Saint-Domingue (qui deviendra Haïti lors de son indépendance en 1804).





Une ville au passé négrier

Symboliquement, elle se dresse dans la cour du Musée du Nouveau Monde, qui était auparavant l'Hôtel Fleuriau, du nom du naturaliste Louis-Benjamin Fleuriau dont la famille avait fait fortune dans la traite négrière. "L'esclave debout dans la maison des maîtres ne constitue pas une revanche, mais une réconciliation de la ville avec son histoire", a déclaré le maire de La Rochelle, Jean-François Fountaine (DVG), devant un parterre composé, outre Ousmane Sow, d'une délégation d'officiels haïtiens et de dizaines de Rochelais venus découvrir l'oeuvre.
Le maire a rappelé que La Rochelle, ex-port négrier, avait déjà donné en 2009 et en 2012 les noms du poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire (1913-2008) et de Toussaint-Louverture à deux promenades de la ville. "Je fais lire la constitution de Saint-Domingue à Toussaint, qui lui a valu, entre autres, son incarcération", a sobrement commenté Ousmane Sow, soulignant une forme "d'ironie" dans cette posture. Interrogé sur la commande de cette statue dans une ville au passé négrier, le sculpteur n'y a pas vu un symbole particulier, "pas plus que dans une autre ville". "Il ne s'agit pas d'une repentance, mais du courage d'assumer son passé", a-t-il déclaré.
Un symbole de l'abolition et de la Révolution

François Dominique Toussaint, dit Toussaint-Louverture, était un esclave affranchi qui, en 1791, prit à Saint-Domingue la tête des insurgés et lutta contre les esclavagistes et leurs alliés anglais et espagnols. En 1794, il se rallia à la Révolution française après la première abolition de l'esclavage, puis proclama en 1801 une constitution qui consacra l'autonomie de l'île dans le cadre de la République française, tout en se nommant gouverneur à vie. Une initiative insupportable pour le Premier consul Napoléon Bonaparte (1769-1821) qui y mit fin avec l'envoi d'un corps expéditionnaire.

Arrêté en 1802, emprisonné en France, il mourut en 1803 au Fort de Joux (Doubs). Forte personnalité, il avait adressé à Bonaparte une lettre célèbre qui commençait par "Le Premier des Noirs au Premier des Blancs".

 

Ses œuvres

 



 

 

Biographie de Ousmane Sow

 
 
 
Ousmane Sow naît à Dakar en 1935, d’une mère saint-louisienne et d’un père dakarois de trente ans son aîné. Il grandit à Reubeuss, un des quartiers les plus chauds de Dakar, où il reçoit une éducation extrêmement stricte au cours de laquelle son père le responsabilise très jeune. Il hérite de ce père, la rigueur, le sens du devoir, et un esprit libre. A la mort de celui-ci, et malgré un immense attachement à sa mère, il décide de partir pour Paris, sans un sou en poche. Il se fait héberger dans les commissariats de police, et connaît la douceur d’une France alors terre d’accueil. Tout en pratiquant divers petits métiers, et après avoir renoncé à suivre l’enseignement de l’école des Beaux-Arts, il passe un diplôme de kinésithérapeute.
Bien que sculptant depuis l’enfance, c’est seulement à l’âge de cinquante ans qu’il fit de la sculpture son métier à part entière. Mais la kinésithérapie qu’il exerça jusque là n’est sans doute pas étrangère au magnifique sens de l’anatomie que l’on trouve dans son œuvre. Durant toutes ces années d’activité, il transforme la nuit son cabinet médical et ses appartements successifs en ateliers de sculpture, détruisant ou abandonnant derrière lui les œuvres qu’il crée.
Révélé en 1987 au Centre Culturel Français de Dakar, où il présente sa première série sur les lutteurs Nouba, l’artiste expose six ans plus tard, en 1993, à la Dokumenta de Kassel en Allemagne. Puis, en 1995, au Palazzo Grassi, à l’occasion du centenaire de la Biennale de Venise.
Son exposition sur le Pont des Arts au printemps 1999 attira plus de trois millions de visiteurs. Depuis, son œuvre a été exposée dans une vingtaine de lieux, dont le Whitney Museum à New York.
Jusqu’à cette première exposition, organisée par le Centre Culturel Français de Dakar en 1987, on ne connaît rien de sa création, si ce n’est l’extrait d’un film d’animation qu’il a lui-même réalisé et qui mettait en scène des petites sculptures animées.
C’est en 1984, inspiré par les photos de Leni Riefenstahl représentant les Nouba du Sud- Soudan, qu’il commence à travailler sur les lutteurs de cette ethnie et réalise sa première série de sculptures : Les Nouba. En 1988, naîtront Les Masaï, en 1991 Les Zoulou, et enfin, en 1993, Les Peul.
En 1991, il achète le terrain sur lequel il construit sa maison, née de son imagination. Recouverte entièrement de sa matière, murs et carreaux, elle représente symboliquement le Sphinx et est la préfiguration de la future série qu’il imagine sur les Égyptiens.
C’est dans la cour de cette maison que naît la bataille de Little Big Horn, une série de trente- cinq pièces, exposée à Dakar en janvier 1999, en avant-première de l’exposition parisienne sur le Pont des Arts, qui réunit toutes ses œuvres.
Le Whitney Museum à New York accueillera en 2003 une partie de cette série sur la bataille de Little Big Horn.
En 2001, il confie aux Fonderies de Coubertin, avec lesquelles il travaille toujours aujourd’hui, la réalisation de trois bronzes, à partir de ses originaux : « La Danseuse aux cheveux courts » (série Nouba), « le Lutteur debout » (série Nouba) et «La Mère et l’Enfant» (série Masaï). Ces trois pièces ont été exposées au printemps 2001 à Paris au Musée Dapper. Ont été réalisées depuis une vingtaine de grands et une vingtaine de petits bronzes.
Cette même année, il répond à une commande pour le Comité International des Jeux Olympiques, et crée « Le coureur sur la ligne de départ », aujourd’hui installé au Musée des Jeux Olympiques à Lausanne.
Durant l’été 2002, il réalise, à la demande de « Médecins du Monde », une sculpture de Victor Hugo pour la « Journée du refus de la misère ».
Le bronze de cette sculpture a été commandé par la Ville de Besançon, ville de naissance de Victor Hugo. Elle y a été installée le 17 Octobre 2003, place des Droits de l’Homme.
En 2004, il entreprend la réalisation de petites sculptures Nouba, aboutissement de la série des grandes sculptures Nouba réalisées en 1984, série à laquelle il ajoute de nouveaux thèmes.
En 2005, Ousmane Sow a fait son entrée dans le Petit Larousse Illustré.
En 2008, le maire de Genève lui commande une œuvre destinée à son combat pour la régularisation des sans-papiers. Cette œuvre, intitulée « l’Immigré », a été installée au cœur de Genève.
En 2009, il réalise la sculpture de l’épée d’académicien de Jean-Christophe Rufin. Cette sculpture représente Colombe, le personnage emblématique de son roman «Rouge Brésil».
En 2010, le Museum of African Art de la Smithsonian Institution à Washington acquiert aux enchères une œuvre qu'il réalisa en 1989 pour la commémoration du Bicentenaire de la Révolution française, « Toussaint l’Ouverture et la vieille esclave ». Cette pièce fait partie d’un groupe de sculptures incluant « Marianne et les révolutionnaires » (collections du Musée du Quai Branly).
Pour son installation, le Museum of African Art dédie une salle spéciale à Ousmane Sow, incluant l'œuvre et une exposition de photographies d'atelier accompagnée d’une projection permanente du film « Ousmane Sow », réalisé par Béatrice Soulé.
Ousmane Sow travaille actuellement à la création de sculptures monumentales, en hommage aux grands hommes qui marquèrent sa vie. C’est ainsi, que, dans le sillage de Victor Hugo, du Général de Gaulle, de Nelson Mandela, et de son propre père, sont en train de naître à Dakar l’effigie de Martin Luther King, de Mohamed Ali, et de Gandhi. Une série intitulée « Merci ».
Cette série rejoindra l’ensemble de ses œuvres qui seront bientôt présentées dans le Musée qu’Ousmane Sow est en train de finir de construire à Dakar et qui ouvrira prochainement.
Parallèlement à l’édification de son musée, l’artiste travaille actuellement à la création d’une sculpture intitulée « Le Paysan », commandée par la Présidence de la République du Sénégal et l’Agence de la Francophonie. Cette sculpture de cinq mètres de haut, sera installée, en bronze, devant le Centre international de conférence Adbou Diouf à Diamnadio, pas très loin de Dakar.
En 2013, reprenant le thème développé dans «Toussaint Louverture et la vieille esclave », l’artiste répond à une commande de la Ville de La Rochelle et réalise une nouvelle effigie de Toussaint Louverture pour le Musée du Nouveau Monde.
Toujours, il sculpte sans modèle. Sa matière, il l’invente. En une savante alchimie, il laisse macérer pendant des années un certain nombre de produits. Cette matière est pour lui une œuvre en elle-même, une matière qui le rend presque aussi heureux que la naissance de la sculpture elle-même. Il l’applique sur une ossature faite de fer, de paille et de jute, laissant à la nature et au matériau sa part de liberté, ouvrant la porte à l’imprévu.
Sa vie autant que son œuvre sont aujourd’hui profondément ancrées dans son pays. Il n’imagine pas sculpter ailleurs qu’au Sénégal. Et, alors qu’il vécut une vingtaine d’années en France, plus rien ni personne ne pourrait lui faire quitter sa terre africaine.

 

Ousmane Sow